La biodiversité, souvent reléguée au second plan des préoccupations environnementales, est pourtant un pilier essentiel du bien-être des écosystèmes et des sociétés humaines. Toutefois, les entreprises, qu’elles en soient conscientes ou non, jouent un rôle majeur dans la détérioration de cette biodiversité. Ce constat pourrait évoluer avec l'introduction de la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD). Alors que s’ouvre la COP16 ( (Convention des Nations Unies sur la diversité biologique) en Colombie, nous vous expliquons quel rôle joue la biodiversité, quels enjeux elle représente pour les entreprises, ainsi que les opportunités offertes par la CSRD pour intégrer l’enjeu de la biodiversité dans leurs stratégies.
Biodiversité : définition et enjeux globaux
La biodiversité se réfère à la diversité des formes de vie sur Terre, que ce soit au niveau des gènes, des espèces ou des écosystèmes. Elle garantit la résilience des écosystèmes, leur productivité et leur capacité à fournir des services écosystémiques essentiels comme la purification de l’air, la fertilité des sols, et la pollinisation.
Voici quelques chiffres pour bien comprendre les enjeux entourant la biodiversité :
- Selon un rapport de l'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), 1 million d’espèces animales et végétales sont actuellement menacées d’extinction.
- La déforestation, les changements d’utilisation des sols, la pollution et le réchauffement climatique ont réduit les populations d'animaux sauvages de 68 % en moyenne depuis 1970 (source : WWF "Living Planet Report 2020").
- Seule 15% de la surface terrestre mondiale et 8% des océans sont actuellement protégés, bien en deçà des objectifs de la Convention sur la diversité biologique.
Afin de se rendre compte de la place de la biodiversité dans nos existences, il convient de jeter un oeil au premier rapport de l’IPBES, dévoilé le 6 mai 2019, et qui explique : “La nature contribue à la qualité de vie en apportant ce qui est essentiel à la survie de l’humanité ainsi que des biens matériels et une inspiration spirituelle. La plupart des contributions de la nature aux populations sont coproduites à la fois par des processus biophysiques et interactions écologiques, et par le patrimoine anthropique comprenant les connaissances, les infrastructures, le capital financier, les technologies et les institutions qui les supportent”.
Il faut enfin savoir que 5 facteurs sont responsables de l’effondrement de la biodiversité :
- Changement de l’usage des terres et des mers
- Exploitation des directe de certains organismes
- Espèces exogènes envahissantes
- Pollution
- Changement climatique
Biodiversité : Quels enjeux pour les entreprises ?
La biodiversité fournit des services écologiques dont dépendent de nombreux secteurs : l’agriculture pour la pollinisation, les industries pharmaceutiques pour les ressources naturelles, etc. Une perte de biodiversité peut donc se traduire par des risques majeurs pour les entreprises. Ces risques sont les suivants :
- Risques économiques : quel que soit le secteur économique, le tissu industriel reste fortement dépendant des ressources naturelles, que ce soit pour les besoins en matières premières ou en services culturels comme le tourisme. L’exemple le plus frappant est l’impact de la pandémie Covid-19 sur l’économie mondiale, avec des tensions évidentes sur les ressources et une prise de conscience que peut avoir un arrêt total ou partiel des chaînes d’approvisionnement.
- Risques relatifs à l’image et aux parties prenantes : les mouvements citoyens et associatifs sont de plus en plus pressants vis-à-vis des entreprises qui ont un impact sur la biodiversité. Répondre aux demandes des parties prenantes doit désormais rentrer dans les principales motivations des entreprises pour agir en faveur de la biodiversité.
- Risques éthiques : les enjeux éthiques couvrent à la fois la préservation de la valeur intrinsèque de la biodiversité, certes pour son son caractère indispensable au maintien de la qualité de vie pour l’humanité, mais également en tant que telle. Les entreprises doivent s’interroger sur les principes moraux qui les poussent à protéger la biodiversité.
De plus, l’IPBES souligne que “la nature est essentielle pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD)”. Une autre façon de formuler les choses serait de dire que les menaces pesant sur la biodiversité sont autant de menaces sur l’atteinte des objectifs de développement durable par les entreprises, en particulier ceux liés à l’eau, à la pauvreté, à la faim, à la santé, au climat, aux océans ou aux sols. Nous percevons alors le caractère central de la biodiversité dans nos vies comme dans nos modèles économiques.
Pour toutes ces raisons, il est indispensable que les entreprises prennent conscience des impacts qu’elles ont sur la biodiversité, et ce qu’elles risqueraient en cas d’effondrement de celle-ci.
En l’occurrence, comment les entreprises impactent-elles la biodiversité ? Elles l’impactent de manière directe (déforestation, pollution des sols et de l'eau, destruction d’habitats naturels) ou indirecte (via leurs chaînes d’approvisionnement ou à travers les activités de leurs sous-traitants). Voici quelques exemples concrets de la manière dont différents secteurs peuvent impacter la biodiversité :
- Industrie agroalimentaire : la déforestation liée à l’expansion de monocultures (soja, palmiers à huile) détruit les habitats naturels de nombreuses espèces.
- Technologies et communication : l'extraction de ressources comme le lithium ou l’or conduit à la destruction des écosystèmes locaux et à la pollution des sols.
- Industrie textile : l’utilisation de pesticides dans la culture du coton et le rejet de microplastiques dans les océans perturbent les écosystèmes marins.
- L’immobilier artificialise les sols, impacte la stabilité des sols et l’accès à des espaces verts, et amplifie les risques d'inondation et de crues.
- Le tourisme impacte les paysages naturels, et la qualité des écosystèmes marins et terrestres (plages, récif coralliens)
De nombreuses entreprises affectent la biodiversité sans en être pleinement conscientes, notamment celles opérant dans des secteurs éloignés des problématiques écologiques classiques. C’est le cas du secteur de la Finance par exemple. Au premier abord, on pourrait se demander en quoi il impacte la biodiversité. Pourtant, à travers des investissements dans des projets ou entreprises qui contribuent à la destruction d’écosystèmes sensibles sans que le risque environnemental soit suffisamment intégré dans leur analyse, leur impact est réel et conséquent.
Face aux pressions de la société civile et à la prise de conscience mondiale, certaines entreprises commencent à réévaluer leur empreinte écologique, mais l'intégration de la biodiversité dans leurs stratégies reste encore faible comparée à d'autres enjeux comme le carbone. Pour agir, elles peuvent se référer à plusieurs référentiels qui intègrent des objectifs avec des horizons de temps variés comme :
- le cadre mondial de Kunming-Montréal, accord adopté lors de la COP15 de 2022 et qui fixe 30 cibles pour 2030,
- la stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030,
- le respect des deux limites planétaires « intégrité de la biosphère » et « changement d’usage des sols »,
- les objectifs de la SBTN ( Science Based Targets Network), qui sont mesurables, applicables et délimités dans le temps, et qui reposent sur les meilleures données scientifiques disponibles.
La CSRD : un levier pour challenger les entreprises sur la biodiversité
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), adoptée par l’Union Européenne, oblige désormais les entreprises à publier des informations non financières liées à leur impact environnemental, social et de gouvernance (ESG), y compris sur la biodiversité. Ce cadre est destiné à améliorer la transparence et à aider les parties prenantes à mieux évaluer la performance durable des entreprises.
Contrairement aux rapports extra-financiers précédents, la CSRD impose aux entreprises de s’intéresser explicitement à leurs impacts sur la biodiversité. Elles doivent désormais analyser les risques que représentent la perte de biodiversité et rapporter leurs efforts pour la préserver. Plus précisément, les entreprises devront répondre aux exigences de déclaration de la norme ESRS E4 qui sont les suivantes :
- Plan de transition et intégration de la biodiversité et des écosystèmes dans la stratégie de l'entreprise et dans son modèle d'affaires
- Politiques relatives à la biodiversité et aux écosystèmes
- Actions et ressources liées à la biodiversité et aux écosystèmes
- Objectifs liés à la biodiversité et aux écosystèmes
- Métriques d'impact liées à la biodiversité et à l'évolution des écosystèmes
- Effets financiers potentiels des impacts, risques et opportunités liés à la biodiversité et aux écosystèmes
Pour comprendre ce que cela implique pour les entreprises, nous vous proposons quelques exemples :
- L’entreprise X, du secteur de la construction devra évaluer l'impact de ses projets sur les habitats naturels locaux, notamment les zones humides et les forêts. Elle pourrait être amenée à investir dans des projets de compensation de la biodiversité, comme le reboisement ou la protection d’espèces menacées.
- L’entreprise Y, du secteur agro-alimentaire, devra mesurer et rapporter l'impact de ses pratiques agricoles (utilisation de pesticides, monocultures) sur la diversité des espèces locales et pourrait décider de favoriser l’agriculture régénérative ou biologique.
- L’entreprise Z, du secteur financier, sera obligée d'intégrer des critères de biodiversité dans ses analyses d’investissement et de limiter son exposition aux projets destructeurs d’écosystèmes.
Au-delà du simple respect des obligations, s’engager dans une stratégie favorable à la biodiversité offre de nouvelles perspectives :
- Accès à des financements liés à la préservation de la biodiversité,
- Amélioration de la réputation auprès des consommateurs et des investisseurs,
- Réduction des risques associés à la dépendance vis-à-vis des services écosystémiques,
- Transformation des modèles d’affaires pour être aligné avec les objectifs de préservation de la biodiversité
Vous l'aurez compris, alors que la biodiversité continue de se dégrader à un rythme alarmant, les entreprises ont un rôle clé à jouer pour inverser cette tendance. La CSRD représente une opportunité unique pour inciter les entreprises à s’intéresser sérieusement à cet enjeu et à intégrer la biodiversité dans leur stratégie de durabilité. Cependant, il ne suffit pas de se conformer aux exigences réglementaires. C'est un défi global qui appelle à une véritable transformation des pratiques industrielles et économiques pour préserver la diversité des espèces et les services essentiels que nous en tirons.
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