Applicable depuis le 1er janvier 2024, la directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) fixe de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier. Plus précisément, il s’agit d’un règlement européen majeur qui vise à renforcer la transparence et la responsabilité des entreprises en matière d'impacts environnementaux et sociaux. La CSRD entrera en vigueur en 2026 et obligera les entreprises à publier des informations détaillées sur leurs stratégies et performances RSE.
La question se pose alors : Qui doit piloter la mise en conformité CSRD au sein des entreprises ?
Avant d'y répondre, nous pouvons nous demander quelles sont les fonctions qui contribuent à la production de ce reporting.
La CSRD, la V2 de la DPEF (Déclaration de Performance Extra-Financière)
La CSRD vient en remplacement de la DPEF qui était en vigueur depuis 2014.
Elle propose de standardiser les exigences en matière de développement durable en proposant aux entreprises d’expliciter leurs engagements sur les domaines ESG : Environnement, Social et Gouvernance.
La CSRD est une révolution par rapport sa prédécesseure et ce à plusieurs niveaux :
- Augmentation du volume d'entreprises concernées : On passe d’à peu près 11 000 entreprises concernées par la DPEF, à environ 50 000 entreprises pour la CSRD.
- Élargissement du nombre d’indicateurs et donc de la charge de travail associée à la production de ce rapport : Avec la CSRD, c’est quelques 1 232 indicateurs qui sont proposés.
- Nouvelle méthodologie : Le périmètre de votre reporting de durabilité est à déterminer selon l’analyse de double matérialité, exercice d’analyse et de hiérarchisation de vos enjeux ESG.
- Justification de l’engagement de l’entreprise : contrairement à la DPEF, chaque allégation du rapport devra être prouvée par des faits explicités par des indicateurs chiffrés.
La double matérialité, une réflexion profonde et collective
L'analyse de double matérialité constitue aujourd’hui le point de départ de toute étude de reporting de durabilité. Les dispositions adoptées ces dernières années par le législateur européen en matière de finance durable ont permis de mieux encadrer les informations extra-financières, dont la publication apparaît essentielle pour la réorientation des flux de capitaux, la gestion des risques financiers induits par les changements climatiques et pour la mesure des liens d’interdépendance qui existent entre une entreprise et son environnement.
La directive CSRD – Corporate Sustainability Reporting – du 14 décembre 2022 propose une approche innovante en intégrant le concept de double matérialité avec ces deux dimensions : l’une, la matérialité financière tournée vers l’intérieur de l’entreprise et l’autre, la matérialité d’impact tournée vers l’extérieur de l’entreprise. Concrètement, ce travail vous permettra d’identifier les enjeux ESG “matériels” ou significatifs au regard de votre activité et de votre couverture géographique, ainsi que les indicateurs sur lesquels vous serez amenés à travailler et reporter. Pour en savoir plus, nous approfondissons le sujet dans cet article.
L'analyse de double matérialité encourage une approche transversale de la RSE en brisant les silos traditionnels entre les différentes fonctions de l'entreprise. En effet, elle implique nécessairement une collaboration entre les départements :
- Financiers
- Opérationnels
- RSE
- Communication
Cela permet de collecter et analyser les données pertinentes, d’identifier les risques et opportunités RSE, et de définir des stratégies d'action adaptées. Afin d’être le plus exhaustif possible dans l’analyse, il est nécessaire que les sachants participent aux échanges. Les sujets abordés vont de l’énergie, les droits humains jusqu’au fonctionnement des organes de gouvernance, en passant par les déchets, la pollution, le carbone …
Une équipe projet pluridisciplinaire est donc nécessaire pour dresser collectivement une première analyse de ces thématiques. En intégrant la RSE dans tous les aspects de leur activité, les entreprises peuvent améliorer leur performance RSE, renforcer la création de valeur et contribuer à un développement durable.
En parallèle, le recours à des experts extérieurs peut permettre d’approfondir les réflexions afin de comprendre l’ensemble des impacts positifs et négatifs des enjeux ESG sur la performance de l’entreprise.
Les autres temps forts de la démarche de mise en conformité
Une fois le périmètre d’analyse déterminé à l’aide de l’analyse de double matérialité, différentes étapes sont nécessaires avant d’aboutir à un rapport de durabilité :
- Stratégie RSE : qu’il s’agisse d’une simple adaptation suite à la double matérialité ou d’une construction, une réflexion sur une stratégie de plusieurs années est à prévoir. Ce travail mobilisera souvent la même équipe que précédemment et se traite dans la continuité de l’analyse de double matérialité.
- Plan de transition : un des objectifs de la CSRD est de contraindre les entreprises à mettre en place un plan de transition qui assure le respect des accords de Paris (1,5°C - 2°C). L’apport d’expertise extérieure s’avère indispensable à cette étape. De plus, la déclinaison opérationnelle sous format de plan d’action ne se fera pas sans les acteurs métier qui ont la maîtrise opérationnelle des processus et l’expertise relative à leur métier.
- Data et Système d’Information : un outil permettant d’industrialiser et de fiabiliser la collecte des indicateurs va vite s’avérer nécessaire pour ne pas transformer votre responsable RSE en machine à produire des reportings ! Dans ce sens, le choix d’un outil, son intégration, les flux de données et le protocole de reporting vont mobiliser une équipe composée des principaux porteurs du sujet (finance, RSE et / ou qualité) mais aussi de l’équipe technique de votre entreprise.
- Rédaction et Audit du rapport : une fois les indicateurs qualitatifs et quantitatifs rassemblés, il restera une phase rédactionnelle puis de mise en graphisme. Enfin, le contenu de ce rapport sera vérifié par un groupe d’audit interne à l’entreprise dans un premier temps, puis il sera repris par un Commissaire aux comptes ou un Organisme Tiers Indépendant.
Alors qui pour piloter cette démarche dans sa globalité ?
Plusieurs candidats à la gouvernance de la CSRD se présentent naturellement. Détaillons ici les avantages et inconvénients de chacun.
Le Directeur Administratif et Financier
Le DAF pilote déjà les données financières de l’entreprise. Le reporting de durabilité prend place au sein du rapport annuel de l’entreprise et donc pourrait naturellement intégrer de fait son périmètre. Le DAF est rodé à l’exercice du reporting et à son audit, il est déjà en contact régulier avec le Commissaire aux comptes. Son expertise est essentielle pour mettre en planche les processus internes liés au reporting de durabilité mais aussi planifier sa préparation.
En revanche, les sujets abordés dans le reporting de durabilité ne sont pas des sujets de son champ direct d’expertise et nécessiteront une montée en compétence.
Directeur RSE ou Directeur du Développement Durable
Le directeur du développement durable (ou directeur RSE ou qualité) pourra être propulsé à la tête du projet CSRD. Le reporting de durabilité constitue la synthèse et l’aboutissement des travaux de l’année. Sa connaissance des enjeux liés aux critères ESG lui permettra de mieux traduire les pratiques durables en critères extra-financiers. Son savoir approfondi des chantiers de transformation en cours et des parties prenantes internes et externes concernées ainsi que sa vision de l’entreprise en termes de durabilité, lui permettront de guider en facilitant la démarche dans sa globalité.
Budget restreint, équipes réduites : la direction RSE est souvent présentée comme le parent pauvre d’une organisation. Et les grandes entreprises ne sont pas toujours les mieux loties.
Avec la CSRD, nous entendons les inquiétudes des directions RSE. Selon le dernier baromètre RSE de Wavestone, 70 % des entreprises la trouvent trop contraignante…
“Je vais passer mon temps à faire du reporting”
“Comment inspirer la transformation de mon entreprise si j’ai le nez dans des tableaux ?”
“Toute cette charge réglementaire, c’est un vrai frein à l’innovation”
Le cabinet externe
À défaut de pouvoir compter sur une ressource interne pour piloter le reporting CSRD, des acteurs du conseil peuvent pallier en année 1. Rappelons que le reporting de durabilité est à faire annuellement et l’objectif est de montrer une progression de l’entreprise sur la prise en compte des enjeux de durabilité dans le modèle d'affaires. Cette situation n’est donc pas souhaitable à long terme.
And the winner is … ?
La réponse idéale serait un duo entre la Direction Finance et la Direction Qualité/RSE/Développement Durable. Ce scénario souhaitable n’est cependant pas envisageable dans toutes les structures. Cela dépendra de leur taille et de leur maturité sur le volet RSE. Nombre d’ETI ne se sont pas encore dotées d’un Responsable RSE/Qualité mais devront certainement investir le poste dans les années à venir.
La dynamique lancée par la réglementation CSRD va donc amener les équipes finance et RSE à se rassembler sur les sujets extra-financiers. Qu'il s'agisse de la production du reporting extra-financier à court terme ou pour le lancement des initiatives RSE visant à modifier le modèle d'affaires à long terme, les interactions entre les deux fonctions seront de plus en plus nombreuses.
Un des enjeux derrière ce travail de fond est d’anticiper l’avenir et en déduire les modifications nécessaires sur le modèle d'affaires et les investissements permettant de s’y adapter pour les 10 ou 20 années à venir.
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