Le changement climatique n’est plus une prévision lointaine : il s’impose désormais dans le quotidien des entreprises.

Inondations, vagues de chaleur, incendies, sécheresses… ces événements, autrefois exceptionnels, deviennent fréquents, voire structurels. Face à cette réalité, l’inaction climatique - c’est-à-dire le fait de ne pas anticiper, de ne pas adapter ses activités ou de ne pas réduire suffisamment ses émissions - représente un risque économique majeur.

Beaucoup d’entreprises reconnaissent aujourd’hui l’urgence climatique, mais rares sont celles qui mesurent précisément le coût du "ne rien faire". Car si l’action climatique a un prix, l’inaction en a un autre, souvent bien plus élevé. Elle peut fragiliser les chaînes d’approvisionnement, réduire la productivité, exposer à de nouvelles réglementations, ou encore nuire à la réputation.

Cet article a donc un double objectif : éclairer les coûts réels de l’inaction climatique pour les entreprises, à travers des données récentes et vérifiées, et montrer en quoi ce sujet n’est plus uniquement environnemental, mais avant tout stratégique et économique.

Les coûts de l’inaction climatique pour les entreprises

Le changement climatique agit comme un multiplicateur de risques. Il affecte les actifs physiques, la santé des collaborateurs, la stabilité des marchés et même la capacité d’une entreprise à se financer. Voici les principaux leviers par lesquels l’inaction climatique se traduit en coûts bien réels.

Des dommages physiques de plus en plus coûteux

Les événements climatiques extrêmes entraînent des pertes directes considérables. Tempêtes, incendies, sécheresses, inondations… chaque année, ces catastrophes affectent les infrastructures, les équipements, les bâtiments et les chaînes logistiques.

Les événements climatiques extrêmes perturbent de plus en plus régulièrement les activités d’entreprises. Voici 3 exemples récents qui illustrent à quel point les entreprises sont exposées au changement climatique :

Freixenet : en Espagne, le manque d’eau a gravement affecté la production de raisin. Freixenet a mis en place un plan d’ERTE (chômage partiel) pour environ 80 % de ses salariés (615 sur 778) à cause de la sécheresse qui a réduit la récolte, compromettant la continuité d’exploitation.

AOP Salers : en France, la sécheresse a rendu les pâturages impropres à la teneur en herbe requise pour le cahier des charges AOP. Un producteur indique une chute de production d’environ 15 %, et une baisse de valeur du lait (car moins de demande pour le fromage AOP, avec des caractéristiques altérées).

Porsche : en Allemagne, en 2024, le constructeur a annoncé des pénuries à la suite des inondations en Europe, provoquant une rupture d’approvisionnement en aluminium.

Selon le World Economic Forum, les pertes assurées liées aux catastrophes naturelles ont atteint près de 100 milliards de dollars sur les seuls six premiers mois de 2025. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des pertes non assurées : arrêts d’activité, coûts de réparation, retards de livraison, ruptures d’approvisionnement.

Pour les entreprises industrielles ou logistiques, un site inondé ou une route bloquée peut suffire à paralyser toute la chaîne de valeur. L’inaction climatique, ici, se paie comptant : en jours d’arrêt, en contrats perdus, en parts de marché envolées.

Les estimations convergent : le coût de l’inaction dépasse largement celui de la transition.

  • Selon le Boston Consulting Group, ignorer les émissions de la chaîne d’approvisionnement (Scope 3) pourrait générer plus de 500 milliards de dollars de passifs pour les entreprises d’ici 2030.
  • Le World Economic Forum estime que les pertes d’actifs fixes liées à des aléas climatiques pourraient atteindre jusqu’à 610 milliards de dollars par an d’ici 2035.
  • En Europe, les vagues de chaleur et inondations de l’été 2025 ont engendré 43 milliards d’euros de pertes économiques, soit environ 0,26 % du PIB de l’Union européenne.

Inaction climatique : quel coût pour les entreprises ? (Partie 1)
Le World Economic Forum évalue le coût économique cumulé sur 5 ans des événements climatiques extrêmes entre les années 2000 et 2024.

Ces chiffres ne sont pas de simples projections : ils traduisent déjà une réalité économique. L’inaction climatique n’est pas un choix neutre ; elle constitue une décision de gestion risquée, dont le coût croît chaque année.

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Des impacts croissants sur la santé et la productivité

L’augmentation des températures et la dégradation de la qualité de l’air ont des conséquences directes sur la santé des travailleurs. Les vagues de chaleur accentuent la fatigue, augmentent les risques d’accidents et réduisent les capacités physiques, notamment dans les secteurs de la construction, de l’agriculture ou de la logistique.

D’après une étude du World Economic Forum et du Boston Consulting Group, les risques sanitaires liés au changement climatique pourraient coûter à l’économie mondiale 1 500 milliards de dollars de productivité perdue d’ici 2050. Une partie de cette perte se traduira directement dans les bilans des entreprises : absentéisme accru, baisse de rendement, coût de la santé au travail, réorganisation des horaires.

Par ailleurs, les collaborateurs attendent désormais de leur employeur qu’il prenne au sérieux les enjeux climatiques. Une entreprise perçue comme "en retard" risque de perdre en attractivité et en engagement interne, des coûts souvent invisibles, mais bien réels : recrutement plus difficile, turnover accru, perte de savoir-faire.

Des risques réglementaires et financiers amplifiés

L’inaction n’expose pas seulement à des événements climatiques, mais aussi à un durcissement réglementaire rapide. Les politiques publiques et les institutions financières imposent désormais des obligations de transparence et de réduction d’émissions. En Europe, la directive CSRD impose par exemple aux grandes entreprises de publier des informations précises sur leurs risques climatiques et leur empreinte carbone.

Ignorer ces évolutions, c’est courir le risque de voir s’accumuler les coûts de mise en conformité tardive : adaptation précipitée des procédés, sanctions, voire perte d’accès à certains marchés.

Le risque est également financier. Les investisseurs intègrent désormais les critères ESG et le risque climatique dans leurs décisions. Une entreprise jugée peu résiliente ou insuffisamment engagée peut voir son coût du capital augmenter - voire être écartée des portefeuilles d’investissement responsables.

Enfin, les compagnies d’assurance revoient leurs politiques de couverture : certaines zones à risque deviennent difficilement assurables, ce qui oblige les entreprises à assumer seules des pertes potentiellement massives.

Réputation et opportunités manquées

À l’heure où les consommateurs, les talents et les partenaires exigent de la transparence, la réputation climatique devient un actif stratégique. Une entreprise perçue comme indifférente aux enjeux environnementaux s’expose à une perte de confiance et à une érosion de son capital de marque.

Inversement, les organisations qui prennent les devants bénéficient d’un avantage compétitif : meilleure image, attractivité renforcée, innovation accélérée. L’inaction climatique, c’est aussi une opportunité manquée : ne pas investir dans la transition, c’est se priver de financements, de nouveaux marchés, de synergies avec des acteurs engagés.

Des impacts concrets, secteur par secteur

Le coût de l’inaction climatique n’est pas théorique. Il se manifeste déjà dans de nombreux secteurs, sous des formes diverses : désorganisation de la production, pertes d’actifs, tensions sur les ressources, hausse des primes d’assurance ou perte de compétitivité. Si aucun domaine n’est épargné, certains sont plus exposés que d’autres.

L’agriculture et l’agroalimentaire : une fragilité structurelle

Premier secteur touché, l’agriculture subit de plein fouet les conséquences physiques du dérèglement climatique. Sécheresses prolongées, épisodes de gel, pluies diluviennes ou vagues de chaleur affectent directement les rendements et la qualité des récoltes.

En Europe, les pertes agricoles liées à la sécheresse de 2022 ont dépassé 8 milliards d’euros, selon la Commission européenne. La raréfaction de l’eau, l’appauvrissement des sols et la prolifération de ravageurs accentuent la vulnérabilité de la filière. Ces aléas se répercutent ensuite sur toute la chaîne de valeur : hausse du prix des matières premières, perturbation des approvisionnements, volatilité accrue des coûts.

Pour l’industrie agroalimentaire, ne pas anticiper ces risques revient à fragiliser la sécurité d’approvisionnement et la stabilité des marges. Les grands groupes commencent d’ailleurs à investir dans des modèles agricoles plus résilients (irrigation raisonnée, diversification des cultures, contractualisation avec des producteurs locaux). Mais pour beaucoup d’acteurs, cette adaptation reste encore trop lente.

Inaction climatique : quel coût pour les entreprises ? (Partie 1)Le GIEC propose une synthèse des impacts du changement climatique sur les rendements agricoles, région par région

L’énergie, les utilities et les infrastructures : des actifs en première ligne

Les entreprises du secteur énergétique sont doublement exposées : aux risques physiques et à la transition bas carbone. Les installations de production ou de distribution peuvent être directement menacées par des événements climatiques extrêmes : inondations de centrales, incendies autour de lignes à haute tension, stress hydrique affectant la production hydroélectrique.

Selon le World Bank Group, près de 37 % des infrastructures énergétiques mondiales se trouvent déjà dans des zones à haut risque climatique. L’inaction peut donc entraîner des pertes d’actifs considérables, voire des interruptions d’approvisionnement.

Parallèlement, les politiques de transition (prix du carbone, normes d’émission, taxation des énergies fossiles) bouleversent les modèles économiques du secteur. Les entreprises qui tardent à diversifier leur mix énergétique ou à investir dans les renouvelables risquent d’être rapidement distancées par des concurrents plus agiles — notamment les nouveaux acteurs technologiques et industriels.

Le secteur financier : l’exposition croissante au risque climatique

Les banques et assureurs se trouvent au cœur du jeu. Leur exposition n’est pas seulement directe, mais systémique. L’inaction climatique accroît les risques physiques (sinistres plus fréquents et plus coûteux) et les risques de transition (actifs échoués, dévalorisation de portefeuilles liés aux énergies fossiles, non-conformité ESG).

Le Network for Greening the Financial System (NGFS) estime que, sans adaptation, le coût du risque climatique pour le secteur financier pourrait représenter jusqu’à 10 % de ses actifs sous gestion d’ici 2050 dans les scénarios pessimistes.

Face à cela, les régulateurs européens renforcent les obligations de transparence et d’évaluation des risques. Les entreprises non alignées s’exposent donc à une double peine : une image dégradée et un accès au crédit plus difficile.

Le bâtiment, la construction et l’immobilier : un patrimoine vulnérable

Canicules, pluies intenses, montée des eaux : le bâti existant n’a pas été conçu pour résister à ces conditions. Le coût de l’inaction se mesure ici en dépréciation d’actifs et en coûts d’entretien.

Selon l’Agence européenne pour l’environnement, jusqu’à 20 % du parc immobilier européen pourrait voir sa valeur chuter d’ici 2050 dans les zones exposées à la submersion côtière ou aux fortes chaleurs. Parallèlement, la réglementation se durcit : normes énergétiques renforcées, interdiction progressive des bâtiments trop énergivores, obligations de rénovation.

Pour les entreprises propriétaires de leurs locaux ou gestionnaires d’actifs, ne pas anticiper ces changements revient à s’exposer à des pertes sèches et à une obsolescence accélérée du patrimoine bâti.

Le transport et la logistique : la dépendance aux conditions climatiques

Les chaînes logistiques mondialisées sont parmi les plus sensibles aux dérèglements climatiques. Fermeture de ports en raison d’événements extrêmes, infrastructures routières ou ferroviaires endommagées, limitations de navigation fluviale dues à la sécheresse : chaque maillon perturbé peut avoir un effet domino sur l’ensemble de la chaîne.

En 2022, la baisse du niveau du Rhin avait réduit le transport fluvial de marchandises de près de 40 % pendant plusieurs semaines, impactant des milliers d’entreprises industrielles en Allemagne et en France. Ces épisodes, autrefois rares, deviennent récurrents.

Pour le transport aérien, la hausse des températures entraîne des contraintes techniques (réduction de charge utile des avions, consommation de carburant accrue). À terme, cela pèse sur les coûts et sur les marges, surtout dans un contexte où les attentes de décarbonation du secteur se renforcent.

L’industrie et la production : l’équation du coût caché

Enfin, pour les secteurs industriels, l’inaction climatique peut se traduire par une perte de compétitivité face à des concurrents mieux préparés. Les ruptures d’approvisionnement, l’instabilité énergétique, la pression réglementaire ou les taxes carbone peuvent alourdir les coûts de production.

De plus, la dépendance à des intrants énergivores (acier, ciment, chimie, plastiques) devient un handicap économique à mesure que les marchés se verdissent et que les clients exigent des produits à faible empreinte carbone.

Les entreprises qui intègrent tôt des solutions bas carbone (recyclage, électrification, efficacité énergétique, circularité) se dotent d’un avantage durable, quand les autres risquent d’accumuler des coûts de rattrapage et de réputation.

Dans tous les secteurs, un constat s’impose : le coût de l’inaction dépasse désormais celui de la transition. Ne rien faire, c’est s’exposer à des pertes d’actifs, à une instabilité accrue, à une perte de valeur. Mais cette même réalité ouvre aussi une perspective : les entreprises qui agissent tôt ne se contentent pas de réduire leurs risques : elles créent de la valeur, de la résilience et de la confiance.

Vous découvrirez dans la deuxième partie de cet article comment il est possible pour les entreprises d’agir et de limiter les risques, évitant ainsi de payer le coût de l’inaction.

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